jeudi 17 novembre 2011

Les désordres affectant les bâtiments couverts de plaques profilées en fibres-ciment






L'emploi de fibres de substitution consécutif au bannissement de l'amiante entraîne dans ce domaine des sinistres en chaîne. Les causes sont variées et il faut bien se garder d'incriminer le seul matériau.














En France, l'amiante-ciment était utilisé depuis près d'un siècle pour la fabrication du ciment renforcé en construction. En ajoutant 10 à 15 % de fibres d'amiante à un mélange de ciment portland et d'eau, on obtenait un matériau aux caractéristiques mécaniques excellentes, résistant aux alcalis, à la corrosion et aux conditions atmosphériques sévères et dont le rapport coût / performance était imbattable. C'étaient les propriétés de renforcement de la fibre d'amiante qui lui conféraient des caractéristiques permettant de fabriquer des plaques de faible épaisseur et de faible poids, destinées à réaliser des tuyauteries, des bardages ou des couvertures. Faciles à poser et économiques, les couvertures en plaques de fibres-ciment trouvaient des utilisations nombreuses dans la construction de bâtiments agricoles, industriels, sportifs ...

Pas facile de remplacer l'amiante





L'interdiction d'utiliser l'amiante a, dès les années 1985, obligé les industriels à reconsidérer la formulation de leur produit. Ils ont fait entrer dans leur constitution des fibres de renforts d'origines très différentes : fibres organiques synthétiques ou fibres minérales et, ainsi, généré une évolution marquante de ce type de matériau. Les nouvelles générations de fibres-ciment se sont immédiatement heurtées à des difficultés. Outre leur coût supérieur, des problèmes de qualité et de durabilité ont très vite été signalés et de nombreux litiges sont apparus dans différentes régions du monde.

Plusieurs pays d'Amérique centrale ont, au cours de cette même période, retiré du marché des plaques de couverture à base de ciment et de cellulose. Des plaintes ont également été déposées aux Etats-Unis et en Grande Bretagne contre des matériaux sans amiante, trop peu résistants. Alors même que la mécanique de détérioration accélérée de ce type de plaque de toiture restait mal connu, la décision de développer ce marché était prise, notamment en France à la suite du décret n°96-1133 de 1996 interdisant l'amiante.

Il est vrai qu'entre temps la recherche avait fait certaines avancées et que l'environnement normatif avait eu le temps de s'adapter. Il n'en demeure pas moins que la pathologie, jusqu'alors très limitée en France, s'est beaucoup développée en 2002, soit environ 5 ans après la mise sur le marché de plaques sans amiante.










Deux formes de dysfonctionnement



Les problèmes surviennent sur des plaques d'origine et de technologie très variées, disposant, pour certaines, d'avis techniques. La pathologie se manifeste principalement sous 2 formes distinctes ou associées :
·  Apparition de fissures ou de fractures se produisant généralement le long de l'onde ayant reçu une fixation. Des fissures plus discrètes peuvent s'ouvrir perpendiculairement au sens d'écoulement de la pluie. Ces fissures sont filtrantes et peuvent conduire à l'impropriété à la destination, en particulier lorsque les locaux sont à usage d'exploitation.
·  Développement de moisissures sous formes de tâches noirâtres à la surface des plaques. Ce défaut entraîne la fragilisation et le vieillissement prématuré des plaques, avec un risque réel d'effondrement. L'attention des propriétaires est, dans ce cas, attirée sur les risques d'accident corporel grave en cas de circulation sur ces couvertures ou en cas de conditions météorologiques exceptionnelles. Ce phénomène a été principalement mis en évidence et étudié sur les plaques à base de fibres de cellulose, fibres longues de pin et fibres courtes d'eucalyptus, utilisées pour leur fabrication. D'autres technologies utilisant des matières de base différentes, notamment au niveau des fibres de renfort, semblent exemptes de désordre.

Si le développement de nouvelles filières industrielles de production, consécutif à la mise en place du décret de 1996, semble bien correspondre à l'apparition en France de pathologies propres à certaines catégories de plaques, la ou les causes techniques restent à déterminer.

Certaines hypothèses concernant les anomalies structurelles constatées orientent les recherches vers des problèmes de dosages en ciment ou d'effets liés à une hydratation incomplète des liants hydrauliques, avec une répercussion sur la cohésion de matériau.

Certaines plaques atteintes ont révélé une carbonatation prématurée. L'action du gaz carbonique sur la chaux du ciment, à l'origine d'une attaque alcaline, est habituelle mais survient généralement sur des bâtiments plus âgés.

Il a aussi été évoqué, en particulier lors des premiers cas recensés, l'influence des ajouts cimentaires sur la porosité du matériau, tel l'excès de cendres volantes. Combinées au ciment portland, elles contribuent aux propriétés du béton durci. Le développement de moisissures observé sur certaines plaques se produit en présence de matière organique disponible et d'humidité. La position des plaques les expose naturellement à la pluie sur la face externe ou à une éventuelle condensation sur la face interne. Les analyses mycologiques des plaques contaminées montrent que la majorité des espèces est cellulotyque, c'est-à-dire capable de se développer en dégradant la cellulose. Il est également observé que les fibres de cellulose qui entrent dans la fabrication du matériau sont physiquement peu protégées et accessibles au développement des champignons. Elles jouent aussi le rôle d'aliment pour un développement abondant, quoique superficiel, de moisissures.










Méthodologie de l'expertise



Par analogie aux tuiles, on peut raisonnablement admettre que les plaques de fibres-ciment ne sont pas des EPERS (éléments pouvant entraîner la responsabilité solidaire du fabricant).

Dans le cas de litige, l'entrepreneur sera appelé directement en garantie par son client. S'il veut espérer faire prospérer un recours à l'encontre de son fournisseur, il lui appartiendra de prouver un vice dans le matériau livré.

Cette démarche suppose en premier lieu de vérifier que les plaques sont bien posées. Les textes de base à examiner sont :
  • l'avis technique de la plaque,
  • le cahier des prescriptions techniques (CPT n° 3297 de novembre 2000), commun à tous les Atec et qui fixe les conditions de la mise en oeuvre.
Certains fabricants n'ont pas choisi de suivre la procédure d'avis technique. Cette catégorie de plaque est donc à considérer comme étant de technique non courante. Le DTU 40.31 et la norme NFP 33-301, qui concernaient les plaques ondulées en amiante-ciment ont été annulés et ne peuvent, en aucun cas, servir aujourd'hui de référentiel.

En présence d'un sinistre, il convient donc de s'assurer que les fixations ont été mises en oeuvre correctement. Les plaques présentent une certaine instabilité dimensionnelle. Aussi, les fixations ne doivent-elles pas être trop serrées : un jeu doit être ménagé autour de chacune. Il est nécessaire ensuite d'examiner la structure porteuse et de vérifier sa déformabilité à la lumière des règles de l'art qui s'y rattachent.

Si les conditions de la mise en oeuvre sont satisfaisantes, on devra s'interroger sur la qualité des plaques et sur l'opportunité de procéder à des investigations physico-chimiques du matériau pour déterminer la cause des désordres.




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